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Nouveauté. DIMITRI CHOSTAKOVITCH. DIAPASON D'OR

10.11.24

Patrick Szersnovicz - Diapason

Nouveauté

DIMITRI CHOSTAKOVITCH

1906-1975

Quatuors à cordes n°s1 à 5.

Cuarteto Casals.

Harmonia Mundi (2 CD).

0 2023. TT : 2 h 20'.

TECHNIQUE : 4,5/5

 

Enregistré en octobre 2023 à La Courroie, Entraigues-sur-la Sorgue, par Alexandra Evrard et Alban Moraud. Une image de quatuor à cordes ample et aérée, avec beaucoup de relief et de cohésion. Les instruments sont parfaitement définis. Excepté celle du n° 1 (1938), habile exercice de style néoclassique, l'écriture des premiers quatuors de Chostakovitch tend à une conception symphonique - ils furent d'ailleurs tous transcrits pour orchestre de chambre - et même à un certain « beethovénisme » par la puissance et le serré de leurs développements (Quatuor n°5).

Entamant ici une intégrale, les Casals traduisent cette conception de façon originale. Avec un son transparent, ni trop brillant ni trop brumeux, des arêtes fines et vives et des inflexions équilibrant âpreté et raffinement, ils apportent même un éclairage neuf et revigorant. S'ils s'éloignent de la tradition russe (Quatuors Beethoven, Glinka, Taneiev, Borodine), en partie prolongée par les Danel II (Accentus, Diapason d'or, cf. n° 734), les nouveaux venus se différencient presque autant des autres visions « à l'occidentale » (Fitzwilliam, Hagen, Pacifica, Takacs, Belcea, Artemis).

Dans l'ample, vigoureux et virtuose Quatuor n° 2 (1944) en la majeur, l'accent est ainsi mis sur le poids expressif du mouvement initial, mais également sur l'imposant récitatif instrumental du suivant, premier exemple d'un procédé que Chostakovitch allait utiliser de nombreuses fois. Comme si les féroces attaques contre son opéra Lady Macbeth de Mtsensk l'avaient forcé à canaliser dans la seule musique pure son puissant instinct dramatique. Dune étoffe moins coriace, le plus lyrique Quatuor n°4 (1949) en ré majeur se trouve magnifié par une clarté solaire et une mise en valeur pleine d'imagination de ses couleurs véritablement orchestrales.

Très marqué par la Seconde Guerre mondiale, le Quatuor n° 3 (1946) en fa majeur évolue d'une nervosité faussement désinvolte vers une conclusion interrogative et rêveuse, en passant par l'expression abrupte de la révolte, de l'angoisse et de la souffrance. Mariant rugosité et sensualité, électricité et intériorité, les Casals expriment la vérité sans fard de l'œuvre.

D'une somptueuse austérité, les interprètes injectent une semblable intensité, tout en élans, au splendide Quatuor n° 5 (1952), en si bémol majeur, qui renferme l’Allegro symphonique le plus tenace et intransigeant jamais écrit par Chostakovitch.

 

Patrick Szersnovicz

Escúchalo

COMPLETE STRING QUARTETS. Vol. 1 Nos. 1-5